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365 jours d’écriture: première fois

Girl Kissed By Fire organise tout au long de l’année un défi d’écriture. Chaque jour, elle nous donne un mot, une direction, et à nous d’être inspirés. Sur 365 jours, beaucoup sont déjà passés… Je prends le train en marche (la queue du train!) et je vous propose aujourd’hui ma production avec « première fois ». Vous pouvez retrouver ma première contribution ici (l’histoire continue).


pain-d_pices-9Alphonse et Carmen Beaugrain avaient eu un anniversaire de mariage remarquable. Trente ans de mariage, cela se fête! Trente ans d’entente tacite et de sourires, trente ans de disputes et de soupirs excédés, trente ans d’amour.

Le jour précédent, Alphonse avait dû faire face à un dilemme. Après avoir fini de préparer son pain d’épice, il s’était retrouvé comme deux ronds de flan, ne sachant pas comment cacher son pain d’épice encore tout chaud.

Carmen était de sortie avec ses amies tout l’après-midi, ce qui avait donné à Alphonse le temps nécessaire pour préparer son pain d’épice. Il s’était même octroyé assez de temps pour recommencer, en cas de ratage intempestif. Après tout, c’était la première fois qu’il faisait un gâteau de sa vie… un pain d’épice, en plus! Il avait mis la barre haut!

Mais Carmen allait rentrer, et les preuves allaient être difficiles à dissimuler. Même si, par miracle, il arrivait à remettre la cuisine en état, l’odeur caractéristique allait rester. Et surtout, où cacher le pain d’épice?

Vraiment, Alphonse avait pensé à tout, sauf à cela. Quand on sort du rôle que l’on a joué pendant près de trente ans, un rôle dans lequel les décisions sont prises par une instance supérieure (sa femme) et qu’il suffit de suivre, il est bien difficile de mettre sur pied un projet qui tienne la route. Qui plus est, un projet secret!

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Il était 16h45. Alphonse avait rangé et nettoyé la cuisine, et ouvert les fenêtres en grand. Carmen allait bientôt rentrer de son après-midi avec ses amies, et Alphonse ne savait toujours pas quoi faire de son pain d’épices, caché, en désespoir de cause, dans le four encore chaud.

Il avait 15 minutes pour trouver une solution. Alphonse était debout au milieu du salon, se tordant les mains et ne sachant que faire. Il se dirigea vers la cuisine, ouvrit le four: le pain d’épice était toujours là. Il revint au milieu du salon, ajusta les rideaux aux fenêtres, revint au milieu du salon, tourna trois fois sur lui même, ne sachant où aller ni que faire.

Machinalement, il ouvrit un à un les tiroirs de la commode du salon, espérant y trouver une solution. Il connaissait bien le premier tiroir, qui abritait les menus articles de papeterie des Beaugrain: crayons à papier, stylos, post-its, enveloppes et timbres s’y côtoyait, bien en ordre.

6-petites-cuilleres-en-argentAlphonse referma le tiroir, et ouvrit le second, puis le troisième, qui ne l’aidèrent pas non plus à cacher son pain d’épice. Le quatrième tiroire était, quant à lui, rempli de boites oblongues en carton. Il en ouvrit une, et découvrit des petites cuillères en argent.

« Mon Dieu, les couverts en argent de notre liste de mariage! On ne s’en sert jamais, je les avais complètement oubliés! »

Alphonse savait maintenant ce qu’il devait faire. Il jeta quelques couverts en argent sur la table de la salle à manger, où ils atterrirent en cliquetant, avant de filer dans la chambre à coucher. Frénétiquement, il fouilla la grande armoire de chêne massif, hérité de son grand-père, qui leur servait de lingère.

Lorsqu’il eut trouvé ce qu’il cherchait, il claqua d’un coup sec la porte de la vénérable lingère et couru aussi vite que son coeur le lui permettait dans la cuisine. Il ouvrit les robinets trop fort, faisant gicler l’eau partout et s’aspergeant en même temps. Soufflant et jurant, il mit l’eau à chauffer sur le feu.

Il avait toujours la belle nappe qu’ils avaient reçue dix ans auparavant coincée sous le coude. Quelle heure était-il? Il lui restait dix minutes pour que tout soit parfait. Alphonse déplia d’un geste majestueux la nappe de dentelle et l’étala sur la table. En voulant la lisser, il s’aperçut qu’il avait laissé les couverts en argent en dessous, et pesta.

tea-setL’eau était chaude, il sortit le set de thé que Carmen adorait et avait rapporté de leur voyage au Japon, lorsqu’ils avaient rendu visite à leur fille aînée, Elise, qui y étudiait alors.

Il mis la table minutieusement, ajustant les couverts auprès des assiettes à dessert et recentrant mille fois ceci ou cela. Le thé infusait. Parfait.

Alphonse se détendit et alla d’un pas tranquille dans sa chambre à coucher pour passer une nouvelle chemise.

Pour la première fois depuis trente ans, il allait surprendre sa femme, son adorée, avec un petit thé romantique. Il n’aurait plus qu’à sortir le pain d’épice du four le moment venu.

 

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