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Le philosophe qui n’était pas sage, Laurent Gounelle, 2012

couverture frJe ne sais toujours pas comment ce livre est arrivé chez moi…

Destin, hasard? Quelques jours auparavant, une amie m’avait envoyé le lien de la page de cet auteur, mais comme je n’ai pas le temps parceque ma vie blablabla, je n’ai jamais ouvert ladite page.

J’ai ramené une petite pile de livre de chez mon père (tout doucement, ma bibliothèque migre!), et la seule explication plausible, c’est que j’ai embarqué sans y faire gaffe un livre de mon papa. J’y ai donc vu un signe, et ai ouvert ce livre au titre énigmatique et à la couverture verdoyante.


L'Amazonie brésilienne
L’Amazonie brésilienne

L’histoire: La femme de Sandro est morte lors d’un reportage sur la tribu la plus heureuse au monde, au fin fond de l’Amazonie. Elle aurait été sacrifiée par cette tribu. Sandro est prof de philo à New York, et il ne s’en remet pas. Guidé par une petite voix, et par son philosophe de référence Marc-Aurèle, il décide de partir pour l’Amazonie.

Il embauche l’équipe qui a ramené le corps de sa femme pour le conduire jusqu’à la fameuse tribu. L’équipe est composée de Karkus, qui fait office de chef, de Marco et Alfonso, ses sbires, et de Goddy, un médecin qui « se prend pour Dieu » un peu spécial. Cette troupe d’anciens mercenaires travaille avant tout pour le fric.

Quand Sandro leur révèle qu’il veut se venger de la tribu, les mercenaires lui proposent leurs services pour les massacrer, mais Sandro a un autre plan: rendre malheureux ces gens que rien ne semble atteindre. Ne voulant pas être en contact avec cette tribu qui le dégoûte, il va envoyer Krakus instiller jalousie, peur, problèmes liés à l’estime de soi et cloisonnement dans la tête des amérindiens.

La peuplade primitive, très ouverte et sympa, accueille à bras ouverts les conseils dispensés par Krakus « pour leur bien », et commence à ne plus être aussi heureuse qu’avant. Cependant, Elianta, la chamane du village, voit bien que quelque chose ne tourne plus rond chez ses amis: on ne se parle presque plus, on passe tout son temps absorbé à observer une étrange machine aux pouvoirs hypnotiques, et on a peur des bêtes, alors on dresse des palissades.

Dans sa tente, Sandro se sent physiquement de plus en plus mal, sans qu’il n’y ait de cause à son mal de ventre. Krakus se prend au jeu et aime le pouvoir qu’il détient sur la tribu par le biais des instructions de Sandro. Par contre, ses acolytes s’ennuient ferme et remettent en question son autorité: lui semble s’amuser à jouer avec la tribu, mais eux aimeraient bien un peu d’action, et au diable le paiement mirobolant promis par Sandro! Quant à Elianta, elle essaie tant bien que mal de rétablir l’ordre des choses en sabotant les initiatives de Krakus.

La tension monte entre Sandro, Krakus et les deux autres mercenaires. Une dispute éclate, au cour de laquelle Sandro apprend que sa femme n’est pas du tout morte sacrifiée par la tribu la plus heureuse au monde (c’était quand même un peu bizarre, cette histoire, non?), mais par les mercenaires, qui ont maquillé leur crime. La journaliste s’était opposée au viol d’une jeune femme amérindienne par les mercenaires.

Sandro comprend son erreur et va travailler avec Elianta pour arrêter Krakus dans son délire de pouvoir, et utiliser la violence instillée chez les amérindiens pour la retourner contre lui et le tuer. Il passe avec succès une épreuve initiatique qui manque de le tuer, et reste avec Elianta.


Mon avis: Le Philosophe Qui N’était Pas Sage est un livre qui se lit vite. Style fluide, chapitres courts, et c’est écrit gros (hihi!). Pas de problème majeur au niveau de l’écriture, ça coule comme une rivière d’eau pure dans la forêt vierge. D’ailleurs les descriptions de la forêt amazonienne sont très belles. Mais pas non plus de recherche stylistique poussée (moi j’aime bien les beaux mots!).

L’histoire est plutôt cousue de fil blanc, pas de surprise majeure à part peut-être la violence de la fin. C’est une histoire assez simple avec un but clairement didactique, celui de nous ouvrir les yeux sur notre société, ses travers, et ses dérives, en parallèle d’une réflexion philosophique. On apprend beaucoup de choses sur pourquoi et comment notre « bon sauvage » intérieur est perturbé par la société de consommation et l’individualisme.

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Des exemples? Pour faire perdre aux villageois leur confiance en eux, Krakus organise des concours qui dévalorisent ceux qui ne réussissent pas les épreuves. Pour les isoler, il recommande que chacun ait sa propre hutte, et que dans chacune des huttes, parents et enfants dorment dans des pièces séparées.

Il introduit le monayage des services, et donc l’avarice. La mode fait son appartition, avec un sac en liane très rare, que l’on achète donc très cher. D’ailleurs, si on ne l’a pas, vraiment, on se se sent pas bien – Bonjour Louis Vuitton!

Il organise une séance d’information sur les dangers de la forêt pour que les villageois aient peur de ce qui les guette à l’extérieur de leur village.

http://www.europe1.fr/international/venezuela-le-massacre-d-une-tribu-1220601
http://www.europe1.fr/international/venezuela-le-massacre-d-une-tribu-1220601

Le fait qui m’a le plus touché est celui du parfum: on est attiré par un individu du sexe opposé grâce à son odeur, qui nous envoie le message que cette personne a plus ou moins de patrimoine génétique en commun avec nous ou pas. Donc notre odeur corporelle nous aide à assurer une diversité génétique optimale. Evidemment le parfum vient masquer tout ça…

On sent que l’auteur s’est bien renseigné, et que chaque étape de « désintégration du bonheur » est soutenue par des faits scientifiquement prouvés.

L'image que j'ai de Krakus (Le Marsupilami)
L’image que j’ai de Krakus (Le Marsupilami)

Pour autant, et peut-être parce que c’est justement une fable, cette histoire est un peu trop simpliste et linéaire. On se doute tout de suite qu’il y a un hic, cette tribu n’a pas pu assassiner la femme de Sandro. Son mal de ventre grandissant est bien sur un symptôme de son mal-être, mais surtout il sent que ce qu’il fait n’est pas bien. La folie manipulative de Krakus et sa soif de pouvoir sont une allusion directe aux politiciens.

La violence à la fin (la tribue tue les mercenaires) est justifiée dans le sens où c’est un modèle de société poussé à son paroxysme, qui est voué à s’autodétruire (un peu comme les Mayas, Atlantis, etc…), mais ça fait quand même un choc.

Enfin, la toute fin est un chouia décevante. Sandro comprend qu’il lui faut faire un choix, qu’il ne peut plus revenir en arrière. Il saute dans la cascade, épreuve initiatique rituelle des jeunes hommes de la tribu d’Elianta quand ils passent à l’âge adulte. Malheureusement, il n’y survit pas.

1005461__rainforest_pCa aurait été bien comme fin, mais en fait (Spoiler!) ben non, il crachotte un peu d’eau et revient à la vie, tadam! Ok d’accord, il abandonne sa vie d’avant et tout, je comprends l’image, mais le faire littéralement réssuciter, pour moi c’est un peu fort. Ah, il revient à la vie, et paf boum crac, va faire des folies de son corps avec la jolie Elianta. Mouais.

Un autre truc un peu bizarre, c’est le fait que tout le monde se comprenne. Sandro vit aux Etats-Unis, mais puisqu’il a un nom latino, on peut en déduire qu’il parle portugais (sinon comment communiquerait-il avec les mercenaires?). Par contre là où ça coince, c’est que mercenaires, Sandro et bons sauvages papottent comme s’ils avaient gardé les cochons ensemble, sans interprète.

En résumé, c’est un livre plaisant qui pointe du doigt les multiples travers de notre société, mais un peu simpliste. Une lecture qui pourrait paraitre légère, mais qui traite de sujets qui nous touchent tous. Comme il est très facile à lire, je pencherais pour une lecture de vacances, ou une lecture détente-mais-pas-trop quand on est surmené au boulot, par exemple. Vite lu, vite oublié aussi, je pense…


L’auteur: Né en en 1960 dans une famille plutôt stricte mais érudite, il fait des études supérieures et se lance dans une carrière de cadre qui lui semble bien vide. Il change donc de trajectoire et se passionne pour les sciences humaines, dont la philo. Ses deux premiers romans sont des succès. Le troisième, chroniqué ici, a reçu des avis mitigé pour être trop mannichéen et simpliste.

laurent gounelle

Son site vous en dira un peu plus.

Personellement, j’avoue ne pas être complètement conquise par ce genre de trajectoire « je me suis redécouvert ». Et puis je n’aime pas son nom, mais bon ça c’est subjectif. Juste mon ressenti, je n’adhère pas vraiment au personnage.

20 réflexions au sujet de “Le philosophe qui n’était pas sage, Laurent Gounelle, 2012”

  1. Ce livre, sans être le même, me fait penser au livre Pourquoi j’ai mangé mon père.
    Ce genre de situation permet de se remettre en question et de remettre aussi la société en question.
    Bonne soirée!
    Bisous!

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    1. Effectivement, l’intention du livre est louable, et l’idée de départ très bonne. D’ailleurs j’ai aimé découvrir les différents stratagèmes de Sandro pour rendre les gens malheureux, j’ai appris beaucoup de choses. Mais c’est l’exécution qui pêche un peu. Le style est plaisant mais j’ai l’impression que j’aurai pu écrire la même chose. Et aucun effort n’est fait pour dissimuler un peu la critique de la société (par ex: à l’école, on va mettre des notes et rabaisser les plus faibles. Les amérindiens perdus dans la forêt primitive ont un système d’école???).
      J’ai entendu parlé de « Pourquoi j’ai mangé mon père », il va falloir que je le lise alors! Ma curiosité est titillée 🙂

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    1. Oui ça se laisse lire, ce n’est pas déplaisant du tout. Comme je disais dans l’article, plutôt un truc à lire en vacances ou quand on a besoin de se détendre le cerveau. La thématique reste intéressante, donc on en ressort quand même moins bête.

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  2. Ce premier livre ne m’avait pas enthousiasmée mais le deuxième plus romanesque peut-être : Les Dieux voyagent toujours incognito (histoire un peu parfois tirée par les cheveux mais bon …) était pas trop mal !

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